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Le paragraphe intitulé "Le caractère fétiche de la marchandise et son secret" est le dernier du chapitre I du livre I  du Capital. Ce texte très dense et difficile est souvent négligé par les commentateurs -surtout économistes qui le trouvent trop compliqué et inutilement alourdi par une problématique philosophique de  Kant de Hegel. Cette exclusion est aussi le fait de lecteurs philosophes aussi majeurs que Louis Althusser qui y voient une retombée dans l'idéalisme ( avec les distinctions entre essence, phénomène ou forme de manifestation, et apparence illusoire). On a choisi de l'exposer malgré sa difficulté, car ces oublis et ces préventions aboutissent à amputer la démarche de Marx d'une de ses dimensions fondamentales qui mêle critique de l'économie, anthropologie des formes symboliques et  philosophie.

 

Il s'agit en effet de faire comprendre que l'objectivité des rapports sociaux impliquant le rapport marchand et la forme valeur n'est ni un rapport physique ni un rapport spirituel. Il définit l'objectivité sociale proprement capitaliste qui est telle que les formes d'apparition "sensible" de la simple marchandise sont l'objet d'une fantasmagorie doublant le sensible d'une puissance" supra-sensible, analogue aux fantasmagories théologiques de la religion. Le  monde de la marchandise n'est pas un monde qui désenchante et profane ce qui est le sacré immanent aux rapports religieux et les rend à leur brutalité  comme de déclare le Manifeste du parti communiste. C'est un monde qui exige une "religion de la vie quotidienne centrée sur les réalités cachées sous et dans la marchandise, l'argent, la plus-value et le profit, le salaire, la rente et les diverses formes de capital. C'est un monde d'illusions efficaces qui font "marcher" leurs supports ou porteurs humains jusqu'à ce que la critique les démystifie, en attendant  surtout l'émergence de nouveaux rapports. Ceux-ci remplaceront dans la lutte de classes ces rapports où l'illusion est  liée à un pouvoir de domination de la marchandise et  du capital sur le travail. Le fétichisme inverse les rapports impersonnels humains en rapports sociaux entre choses impersonnelles, de choses cependant produites par ces humains.

 

De ce point de vue le mode de production capitaliste produit un monde enchanté ou plutôt ensorcelé où les  humains fonctionnent comme des entités réifiées sous le commandement devenu nécessité de leur propre activité incomprise et inversée. C'est un monde quasi magique où les rapports impersonnels entre les choses dominent leurs producteurs et où les humains ne reconnaissant pas les produits de leur activité et les vivent en leur obéissant comme des idoles, des sym-boles devenus dia-boles. Ironie de Marx: la forme la plus avancée de civilisation loin de se débarrasser des fantasmagories superstitieuses ne peut fonctionner que par le moyen une idolâtrie barbare et retourne en la sophistiquant à la forme  la plus primitive de magie tout à la fois efficace et illusoire";

 

Bibliographie

 

ARTOUS Antoine, Le fétichisme chez Marx. Le marxisme comme théorie critique, Paris, Syllepse.

BALIBAR Etienne. La philosophie de Marx, Paris, La Découverte, 2014, (2°édition augmentée).

BIDET Jacques, Explication et reconstruction du "Capital", Paris, PUF, 2004. 

DEBORD Guy, La société du spectacle, (1967), Paris, 1987.

GARO Isabelle, Marx, une critique de la philosophie, Paris, Seuil, 2000.

IACONO Alfonso M., Le fétichisme. Histoire d'un concept, Paris, PUF, 1992.

RENAULT Emmanuel, Marx et l'idée de critique, Paris, PUF, 1995.

VINCENT Jean-Marie, Fétichisme et société, Paris, Anthropos, 1973.