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DE LA RHETORIQUE DE LA TRANSGRESSION ILLIMITEE A LA CONTRE REVOLUTION DANS LA CONTRE REVOLUTION NEOLIBERALE




Comment interpréter la victoire de Donald Trump devenu président des Etats-Unis ? Pourquoi un électorat à majorité populaire blanche, supposé voué aux valeurs éthiques américaines, n’a-t-il tenu aucun compte de l’immoralité affichée comme une décoration, par un capitaliste milliardaire de l’immobilier, patron de combat qui se vante de ne pas payer d’impôts, agressivement raciste et machiste, chasseur d’immigrés et de musulmans, cynique manipulateur des médias , metteur en scène roué de l’obscénité de sa violence et lui-même membre de la caste qu’il dénonce ? Ces questions montrent d’abord que le moralisme ne fait pas une politique, que les affirmations sympathiques et les promesses hypocrites d’un néolibéralisme verni de compassion sociale ne suffisent plus à endormir la colère politique et sociale de couches sociales, appauvries et effrayées par le déclassement que leur inflige la politique menée par la caste politique et économique. Nous ne pouvons que présenter des hypothèses provisoires en attente d’analyse.




En premier lieu cette colère a été comme illusionnée, fascinée et capturée par une rhétorique de la transgression hyperbolique des droits de « l’homme non américain de souche ». Le passage incessant aux limites a eu un effet de condensation politique immédiate autour du ressentiment des demi-faibles et des vaincus de la concurrence mortelle entre travailleurs fragmentés et divisés. Il a égaré chez nombre de citoyens désaffiliées ou apeurés la capacité de juger et d’analyser la catastrophe néolibérale ; il a promis d’enrayer le fonctionnement de la gouvernance par la catastrophe qu’est la reproduction élargie de la « crise ». Le moyen est cherché d’abord dans une politique autoritaire nationaliste de gestion des populations. Les immigrés, clandestins ou non, sont quasi officiellement désignés à la vindicte d’une majorité purifiée, invitée à se faire potentiellement prédatrice si est franchi le mur de 2000 kilomètres (à construire) à la frontière mexicaine, si se poursuit l’émigration clandestine (300000 expulsions prévues). La sécurité est devenue le credo de la religion impériale de l’Etat et elle a pour ennemis publics à éradiquer les musulmans en bloc à qui l’entrée sur le territoire serait refusée pendant que la guerre contre Daesh est gagnée par une armée renforcée. La violence anti-terroriste d’Etat est assumée avec son cortège de menaces pour les libertés fondamentales puisque l’état d’urgence devenu permanent envisagerait la peine de mort pour les familles des terroristes. Se dessine un néofascisme nouveau pour temps d’une mondialisation en difficulté ; il est légitimé, fort d’une base de masse hétérogène qu’il faut consolider avec l’appui de forces entrepreneuriales et bancaires, soutenir de l’apport de compétences intellectuelles. Est sollicitée l’alliance des intégrismes religieux –chrétien et juif- avec la promesse d’une interdiction de l’avortement. Est exalté le thème eschatologique des Etats-Unis nation élue par Dieu pour diriger le monde. Mais cette fois l’hégémonie impérialiste parce qu’elle est menacée par la montée d‘autres puissances rivales comme la Chine ne prend plus la peine de se justifier comme impérialisme bienveillant, mais se déclare prête aux épreuves de forces, mais paradoxalement avec plus de prudence que le bellicisme d’Hilary Clinton.




La victoire électorale a pu se gager en second lieu sur la promesse d’un retour relatif au protectionnisme et sur la création massive d’emplois, sur la restauration relative des structures économiques affaiblies, par une énorme entreprise de reconstruction d’un capitalisme global partiellement renationalisé, respectueux de la hiérarchie sociale des classes et favorable aux riches dont il faut alléger encore la charge fiscale pour cause d’investissements. Là est sans doute le ressort positif de cette affaire. Il semblerait qu’une partie des castes dirigeantes prennent une certaine conscience du fait que les États-Unis sont pris dans les contradictions de la désindustrialisation et dans une désocialisation violente. Elles envisageraient non pas une sortie de la mondialisation mais une phase de réorientation productive destinée à réintégrer des éléments perdus des classes populaires en les jouant les uns es « autres », les fractions étrangères de la force de travail. Elles pourraient ainsi se fonder sur une neutralisation durable des conflits sociaux par une guerre civile préventive de type identitaire permanente et faire face ainsi au déclin de leur hégémonie géopolitique. Au sein de la contre révolution néolibérale qui dure depuis quarante ans se présenterait une nouvelle phase où des éléments relatifs de démondialisation interviendraient comme une sorte de contre-révolution dans la contre-révolution avec pour enjeu une inversion du déclin relatif de l’hégémonie américaine.




On verra comment la proposition inédite de Trump se précisera ou non, persuadera les forces économiques dominantes t réussira à passer des compromis politiques avec leurs représentants. On espère surtout que les forces de contestation –ouvriers, employés, couches techniques, blancs et noirs, hispaniques et musulmans, sauront s’organiser partout, dans les lieux de vie, pour faire face et pour inverser la dérive xénophobe, raciste, impérialiste en cours et inventer des formes communes de vie.




André Tosel